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l86 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

français, endurer, c'est trouver que c'est rudement dur. Mais en français, c'est surtout ne pas endurer. (Je veux dire c'est endurer parce qu'on ne peut pas faire autrement et en dedans, comme disaient ces bonnes femmes, ne pas durer, et comme elles disaient encore : se manger les sangs).

Endurer ce n'est pas ne pas avoir des dents. C'est en avoir et endurer qu'on vous les arrache. Et ensuite ce n'est pas n'en avoir jamais eu. C'est en avoir eu et avoir enduré qu'on vous les ait arrachées. Le martyr dans l'arène n'est pas celui qui n'avait pas de membres. C'était celui qui en avait et qui endurait qu'on les lui arrachât. Et nous qui n'avons à donner, ou plutôt à ne nous laisser prendre que de misérables jours, endurer, ce n'est pas ne pas avoir de ces misérables jours, c'est endurer que, cela même, on vous les arrache.

Ainsi semblables, ainsi différents ; ainsi ennemis, mais ainsi amis; ainsi étrangers, ainsi compénétrés; ainsi enchevêtrés ; ainsi alliés et ainsi fidèles ; ainsi con- traires et ainsi conjoints nos deux philosophes, ces deux comphces, descendent donc cette rue. Une autre diffé- rence, profonde, marche entre eux mais ne les disjoint pas. C'est une différence entre deux remontante, une autre différence de race, plus subtile, une scission de fis- suration peut-être encore plus disjoignante. Le Juif sait lire. Le chrétien, le catholique ne sait pas lire.

Dans la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent le Juif peut remonter de génération en génération et il peut remonter pendant des siècles : il trouvera toujours quelqu'un qui sait lire. Quand il remonterait à quelque

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