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l82 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

(Quand il aurait tant à dire, quand il se sent plein d'œuvres qui jamais ne seront conduites sur les cortèges, sur les zébrures du papier). Il ne regarde pas les jours de bonheur: il n'y en aurait pas ; ce ne seraient même pas ces clous qui paraissaient nombreux le long du mur et qui ne sont plus rien dans le creux de la main. Par un obscur besoin de compensation qui est au fond de toutes les morales et peut-être de plus que les morales, par une sorte de rageuse et de sournoise opiniâtreté de talion contre soi-même et au fond d'apaisement des dieux il n'a pas cessé d'espérer sourdement qu'en sacrifiant le bonheur il aurait au moins le travail. Mais au fond il sait très bien que l'on n'a ni l'un; ni l'autre.

Parce que ça serait trop beau .

Jésus a pu greffer l'inquiétude juive dans le corps chrétien. Il fallait cela pour que la dévoration de cette inquiétude, atténuée dans une race atténuée, émoussée dans une ancienne race, habituée dans une race habituée, gagnât dans une nouvelle race, et presque instantanément, une profondeur enfin incurable. Et Jésus n'a pas pu (ou n'a pas voulu) greffer la patience juive dans le corps chré- tien. Il fallait cela aussi, il fallait doublement cela pour que fût produit un Pascal, pour que fussent obtenus ce puits de détresse, ce désert de sable, cet abîme de mélancoHe.

Et le Juif et le chrétien savent très bien qu'en matière de patience, ou plutôt sur le chef de la patience le Juif est toujours plus chrétien que le chrétien. Les inquiétudes du Juif sont devenues 4 base de patience. Elles sont alUées, elles sont en ménage avec la patience, elles sont

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