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170 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

lui seul saurait goûter, lui seul saurait apprécier. Lui seul saurait se réjouir de telle déliaison, entrer dans telle vue, pénétrer dans telle profondeur. Il manque, et on ne parlera que de lui.

On voudrait assez qu'il fût le juge du camp. Qui le voudrait. L'un ; et peut-être encore plus l'autre. Le partisan peut à la rigueur se passer de la présence du patron. Quoi de plus doux pour l'adversaire en pensée que de sentir la présence de l'adversaire. Il y a tel coup, dans cette par- faite escrime, qui ne pourrait être démontré que par lui.

Nous les supposerons quadragénaires, (nos deux hommes), c'est-à-dire d'im autre monde, d'un autre uni- vers, d'une autre création que s'ils ne l'étaient pas. Car à quarante ans on sait, depuis cinq ans, qui on est. Nous les supposerons débarrassés de tout, ayant com- plètement oublié l'école, sans souci de la gloire, natu- rellement, sans idée de briller, sans pensée même de paraître. Ils suivent seulement leur pente. Ils aiment de philosopher comme un vice. C'est la seule façon d'aimer.

Nous les supposerons animés de ce certain sentiment qui les fait également et profondément et pour ainsi dire mutuellement respectueux de la pensée. Ils auront ce certain goût propre à la pensée sur lequel rien ne donne le change et qui divise les hommes en barbares et en culti- vés. Ils auront ce goût propre qui est en même temps une gourmandise et une passion profonde, à nulle autre pareille. Une passion d'un certain goût propre sur lequel, et sur laquelle rien ne peut tromper. Une passion qui comme un vice rassemble, et du plus loin, les êtres apparemment les plus hétéroclites ; et les plus hétérodoxes. Mais ils se

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