Page:NRF 13.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

l68 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

on fait le téméraire. (Cela revient au même). On craint ou on brave. (C'est le même sentiment). On fait le moral, ou l'immoral. (C'est la même chose). Trois, c'est le com- mencement du parlementarisme.

Deux amis sortent de cette petite boutique. Ils vont se promener. L'écrasant tracas de cette vie de Paris, toute de labeur, leur laisse le temps de quelque respiration. Ils ont trois quarts d'heure, cinquante minutes devant eux. A trois on est forcé de parler. Mais à deux on peut causer. Et comme la tentation de la philosophie est la plus présente pour qui en a une fois pris le goût, ils parle- ront sans conviction de quelques bas événements tem- poraires, puis ils seront bien forcés de causer de philo- sophie.

Qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas du même tempéra- ment de pensée, cela n'a aucune importance. Evidemment il vaudrait mieux qu'ils fussent de tempéraments adver- saires. Le dialogue en serait peut-être plus poussé. Mais (en philosophie) on arrive à s'entendre même avec ses amis, et même avec ses alliés.

Voici nos deux hommes sortis de cette honorable boutique. Ni l'un ni l'autre, ils n'ont part aux accroisse- ments des puissances temporelles. Ni l'un ni l'autre, ils n'ont part aux accroissements des puissances spirituelles. Ni l'un ni l'autre ils n'exercent aucunes magistratures. Ils ne sont que ce qu'ils sont. Ils ne valent que ce qu'ils valent. Ni l'un ni l'autre ils n'ont part aux accroisse- ments des puissances intellectuelles. La Sorbonne leur a conféré une licence d'enseigner dont ils usent tant qu'ils peuvent. Peu. Mais ils ne s'y sont jamais fait faire docteurs.

�� �