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132 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

guerre. Il semble qu'elle ait eu surtout une valeur pragma- tique et documentaire. Pragmatique par les services qu'elle a rendus. Les articles quotidiens que deux de nos principaux chefs de file, MM. Barrés et Maurras, ont réunis en volumes, furent comme celui d'un bon officier ou d'un bon soldat de l'excellent service journalier, et même un beau tour de force de journalistes professionnels : mais ils n'appartiennent pas comme le Jardin de Bérénice ou l'Avenir de l Intelligence au monde des œuvres que l'on relit. (On tirerait pourtant, avec du soin, de V Ame Française pendant la guerre, une antho- logie admirable.) Ils nous font sentir assez bien la marge qui sépare le monde de l'action et le monde de l'écrit, les lois différentes qui régissent l'un et l'autre. Des romans ont pu rendre des services du même ordre ou d'un autre ordre. Le succès du Feuqm fut bien en son temps le journal vrai d'une escouade a contribué lui-mêrrje à le rendre moins vrai, il a été certainement pour quelque chose dans les améliorations matérielles qui ont rendu plus supportable, après les affaires de Champagne, la vie physique et morale du soldat : il a obligé les grands chefs à lire une sorte de cahiers du poilu en somme plus efficaces et plus salutaires que le jeu de la voie hiérarchique; il a travaillé pour sa part à la formation de cette armée propre, aux joues ver- meilles, bien nourrie et mieux abreuvée, l'armée du roi pinard et de la reine Madelon, dans les bras de qui, en novembre, se jetaient les Alsaciennes. C'est ainsi que I3 diable porta sa pierre à Dieu.

Valeur documentaire aussi. Mais ici ne nous pressons pas et ne confondons pas documentaire et historique. Nous avons déjà pu mesurer l'écart énorme entre ce qui fut écrit par l'auteur pour être publié et les carnets ou les cor- respondances que les familles ont divulgués après la mort de celui qui les nota. Le carnet d'Amédée Guiard, le recueil de lettres sans nom qu'a publiées et préfacées M, André Che-

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