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Nous avons vu, ces cinq ans, la littérature (puisque c’est elle qui est en jeu en ces lignes) suivre l’une ou l’autre des deux directions esquissées dans ce vieux cahier prophétique de Péguy : ou bien continuer à jouer à la balle, ou bien demander, tantôt réellement et tantôt plus métaphoriquement, de la poudre et d’autres balles. Je crois que dans son ensemble elle a confirmé le mot de Péguy et la table des valeurs à laquelle j’ai fait allusion.

Évidemment, il ne faut pas exagérer. Si nous regardons la poésie, nous voyons que MM. de Régnier et Viélé-Griffin s’étant à peu près tus et le poète inattendu sur lequel quelques-uns comptaient n’ayant point jailli de la guerre, trois poètes ont ajouté considérablement, sinon en volume du moins en poids, à une œuvre déjà estimée : Claudel, Gasquet, Valéry. (Je n’oublie pas le charmant Paul Fort; mais il est moins un poCte que la poésie difiuse de ce temps : comme la roue du moulin on l’entendrait s’arrêter mieux qu’on ne l’entend tourner, il se fond dans l’élément, l’air, le paysage.) Tous trois ont reçu, en deux sens différents, leur impulsion de la guerre. Tandis que Claudel et Gasquet ont écrit des poèmes de guerre dignes de ce qu’ils avaient déjà fait de plus beau, Valéry a été poussé par la guerre même à rêver au son du canon un Divan oriental-occidental, pris dans le cercle et les froides pierreries de l’Hérodiade mallarméenne, une épure étoilée de poésie essentielle. Et quand on se réfère au passé de la poésie lyrique, cette dernière direction est peut-être, en ces circonstances, la plus normale : un soleil d’Austerlitz reste unique dans le ciel, où il n’y a point place pour deux soleils, mais il suscite comme une image alternée et rivale le clair de lune de Chateaubriand, dont nous n’avons pas fini d’exploiter l’héritage et de reproduire les attitudes.

Hors de la poésie on trouverait encore l’occasion de rendre diverses sortes d’hommages à la littérature de