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boulevard ne produisent même plus : elles reprennent. Et quant à nos théâtres subventionnés, j’hésite à le dire : il me semble qu’ils n’ont plus de vie. Je ne parlerai ni de l’esprit qui y règne, ni des pièces que l’on y accueille ; je parlerai simplement, en homme de métier, de la façon dont on y joue le répertoire classique, qui est le bien de la nation. J’ai assisté, dans la maison de Molière, à des représentations de Molière. Eh ! bien, je suis honteux de voir le public supporter ce qu’il supporte dans la salle du Théâtre Français.

« Est-ce que cela peut durer ? Est-ce que nous permettrons que cela dure ?

« Je sens tout autour de moi le besoin d’autre chose. Mais dans ce milieu gâté qu’est le théâtre d’aujourd’hui, rien de neuf, rien de vivant ne peut naître. Nous disions jadis : il faut désindustrialiser le théâtre, et le décabotiniser. Nous disons aujourd’hui, d’un seul mot : ce qu’il faut, c’est déthéâtraliser le théâtre.

« Pour que tout soit changé, il faut commencer par le commencement. Il s’agit de créer des méthodes, de travailler. Il faut remettre de l’ordre dans ce chaos. Il ne s’agit pas de faire de fausses inventions, de ressusciter le théâtre grec, ou celui de Shakespeare, ou d’imiter Reinhart. On parle partout d’un nouveau mouvement théâtral ; on cite les Russes, les Allemands. Mais cette révolution, est-elle d’ordre dramatique ? ce n’est rien qu’une révolution de décorateurs. Entre les toiles brossées par un grand peintre moderne et les décors de l’ancienne manière, il n’y a qu’une différence d’école de peinture ; comme entre nos vieilles scènes machinées et les nouvelles, il n’y a qu’une différence de machinerie. Tant qu’on n’aura pas écarté toutes ces fausses nouveautés, pour prendre le travail à pied d’œuvre, et recommencer tout depuis le commencement, on n’aura rien fait.