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^^72 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

��Hyperbole 1 de ma mémoire..,

« C'était presque la grâce ; c'était la tendresse. Je m'arrê- tais à tous les étalages. Je découvrais les magasins de jouets. Tout ce avec quoi l'on joue m'était désormais interdit, vu mon âge, mais chacun de ces soldats de plomb, de ces tram- ways, parce qu'ils étaient petits, par cela seul me devenaient chers. Tout ce qui était petit et vivant m'émouvait. Géant soudain, j'eusse été pour la France un Gulliver délicieux, ami du petit président, amoureux de la présidente. Je pouvais du moins être Gulliver pour tous les autres siècles et ne m'en privai point... »

l^ Il y a en effet un Gulliver, une logique gullivérienne qui expUquent chez M. Giraudoux le secret de son art intérieur. Un coup de baguette fait du champ de sa vision tantôt un LilUput, tantôt un Brobdignac. On entre dans un ordre où sont changés les rapports ordinaires de quantité, où tel monde logique revêt en un moment, comme un serpent qui change de peau, une logique nouvelle. On passe de la terre à la mer. Une géographie et une cartographie de marins ne ressem- blent pas du tout à une géographie et à ime cartographie de terriens : les vues de côtes et les vues de continents ne se raccordent que lorsqu'on a compris (voyez Bérard) l'optique des unes et des autres. Mais tout le monde n'a pas le pied marin, l'observation et l'imagination marines. Et j'admets fort bien que la lecture de M. Giraudoux doive donner à des gens d'un goût terrien le mal de mer. Je- me sens même capable de me le donner, ce mal, en m'abandonnant maligne- ment et perversement à certaines combinaisons de tangage et de roulis assez fréquentes chez M. Giraudoux. Mais je préfère rester sur le pont et respirer le sel marin d'une fraîche aventure. Le plancher des ruminants aura son heure.

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