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I066 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

sourcil. Seulement le style de la vie intérieure chez M. Girau- doux diffère beaucoup du style de la vie intérieure chez le Barrés d'autrefois et même chez n'importe qui. C'est ce style nouveau qui doit nous intéresser.

��Nouveau, ou presque nouveau, en littérature. Mais pas nouveau du tout dans l'art. Si M. Giraudoux a trouvé tout de suite un public, c'est que la peinture et la musique le lui avaient préparé. Cette question des rapports de la littérature d'une époque avec les autres arts est tellement complexe que, lorsqu'on y regarde de près, elle doit être pour chaque époque envisagée d'un point de vue spécial, avec un caractère nouveau, et que ce qui est vrai d'un temps nous apparaît, au premier tournant, faux du temps qui le suit. Pour le cas présent il s'est produit ceci. Un art du discontinu, un art d'intensités fragmentaires, de notes locales, d'instants uniques et aigus, un art tout opposé à cette ligne, à cet oratoire, à ce substrat qui jusqu'ici, tant chez les classiques que chez les romantiques, avaient paru une condition élé- mentaire de l'œuvre, s'est créé dans la France du xix® siècle à une époque qu'il est difficile de trancher de façon bien nette. On peut en faire remonter l'origine littéraire aux Concourt ; mais l'influence considérable des Concourt s'est arrêtée vers 1890, et c'est sous une toute autre figure que le symboUsme a repris et développé cet art du discontinu. En peinture il est, en somme, sorti presque tout entier du génie de Claude Monet et en musique du génie de Debussy. Aujourd'hui il constitue un monde véritable, complet, harmonieux avec son esthétique et ses lois, sa gauche et sa droite, ses adversaires de gauche qui le honnissent au nom des outrances contraires, ses adversaires de droite qui l'attaquent au nom des principes anciens. Il n'est pas difficile de voir la place qu'y tient M. Giraudoux.

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