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1002 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Lamendin et ses amis prennent des boissons fraîches. Ils fument. Ils parlent peu. Nous reconnaissons Bénin et Lesueur, dont la présence ici n'a rien que de naturel ; mais il nous est bien agréable de retrouver aussi Huchon, Broudier, Omer et Martin.

Deux négresses font le service. Un Peau-Rouge veille spécialement à l'allumage des cigares et des pipes, et à leur tirage régulier.

Quant aux Pionniers, comme ils sont volontiers bruyants, on les a fourrés dans une salle basse avec qua- rante bouteilles.

Dans l'intervalle des colonnes, on aperçoit la végétation d'un parc, puis Donogoo contre sa rivière ; puis la plaine rayée de pistes et les hauteurs boisées de l'horizon.

Les copains ne causent plus du tout. Ils regardent au- delà des colonnes, chacun selon une perspective dont il a la secrète jouissance.

Mais leur âme a beaucoup de force, et elle profite de l'affaiblissement du jour dans cette campagne pour y étabUr le règne d'ime lumière qui a d'autres lois.

A l'horizon la ligne des hauteurs est mangée petit à petit. Il s'y forme d'abord un bourrelet assez obscur, une espèce de volute d'ombre. Puis cette chose se déroule dans le sens de l'éloignement ; il semble que l'horizon recule très vite, ou même qu'il n'y en ait plus, qu'il faille lui dire adieu à jamais et apprendre à se passer de cette sécurité familière. Mais une clarté s'est déployée aussi vite, se propage aussi loin, ime clarté qu'on n'a vue nulle part et qui, pourtant, n'est pas nouvelle. Il suffit de la voir pour être saisi par ses plus vieilles pensées, pour retrouver soudain les figures d'un ancien sommeil.

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