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DE LA NÉCESSITÉ DES THÉORIES IOI3

Opérèrent en France David et Ingres, et tout près de nous, Cézanne. On peut dire de ces grands hommes, qu'ils construisirent, sur un plan supérieur, à force d'in- quiétude lucide, une région équivalente à celle de la nsdveté des primitifs.

Les grands constructeurs nous apparaissent ainsi, à travers leurs caractères particuliers, comme des artistes chez qui l'intelligence s'applique à suivre de près l'instinct, à en recueillir et déchiffrer les découvertes, et à trans- former la parcelle de vérité ainsi obtenue en une inquiétude plus élevée que la première et qui amorce de nou- velles trouvailles jamais « définitives ». Et les grandes époques constructives sont celles où une immense inter- rogation nationale oriente les questions que l'artiste adressera au monde...

Il semble qu'une vaste aspiration européenne fasse osciller en ce moment les murailles qui délimitaient la petite région spirituelle dont se contentaient les bour- geois d'avant-guerre, nos amateurs et les maîtres de nos destinées matérielles. Les pochades et les divertissements que cultivaient les peintres opportunistes ne vont plus cadrer avec l'édifice agrandi. Ceux d'entre eux qui vou- dront amplifier leur ouvrage sans renoncer à leurs tristes et piètres moyens, éclateront, comme la grenouille de la fable. Le salut est promis à ceux qui dégageront, par des méditations cristalUsées en théories, leur intelHgence submergée par l'instinct, et à ceux aussi, il faut le sou- ligner afin d'être totalement compris, qui, renonçant à tout à priorisme, sauront colorer la pure eau de leur intelligence du vin de leur sensualité retrouvée.

ANDRÉ LHOTE

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