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992 « LA NOUVELLE • REVUEj FRANÇAISE

Tant d'accidents et si peu d'aventures. Que de nau- frages et un si vif amour des bateaux, des départs, de toute vie si la vie est mouvement. Aucune habitude : seulement quelques recettes de cuisine, quelques avis d'hygiène. Un courage puisé dans les repas sans viande, dans les chambres sans calorifère. Tant de bonté ; silen- cieuse, pratique bonté ; enseignements élémentaires qu'on ne m'avait jamais donnés, qu'on ne saurait trouver nulle part. Enfin, une gaieté organique toujours égale, prise à l'oxygène de l'air et restituée tout à l'entour, une de ces gaietés qui attachent plus que le vice, le sno- bisme ou l'amour. Une âme nettoyée comme le corps, comme les canons de fusil ; des mains secourables, un cœur généreux, transformateur d'énergie; doux fruit de la terre, produit de ma chasse, bête précieuse un moment capturée, Aiurore...

Aurore a loué une remise à Dulwich où elle a déposé sa sellerie et ses ustensiles de chasse et de pêche. Elle a aussi quelques têtes de fauve chez un naturaliste de Covent Garden. Mais sa vraie richesse, ses fusils, sont chez Kent.

Ce sont des choses informes, enveloppées dans de vieux linges, pansement sommaire de l'acier blessé d'oxydes. Mais à mesure qu'Aurore déroule les bandes, l'arme apparaît luisante et prête. Aurore pose sur son index, en un équihbre parfait, une carabine Holland and Holland cahbre i6. Le canon est bleu. Les vis, desserrées, au repos, tournent sous l'ongle. L'arme, en une double volute, dessine d'abord une crosse ronde de pistolet d'arçon d'où repart le canon droit. L'arme porte lourdement, sous le ventre, comme des œufs aigus, les balles blindées.

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