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34^ LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Il plaît aux foules surtout par sa fréquente vulgarité, sa mélodie d'essence parfois triviale et invariablement symétrique, et par sa pauvreté harmonique. C'est ainsi que la Pastorale^ œuvre dont la seconde moitié est absolument ratée, est beaucoup plus populaire que V adagio At l'op. io6 ou que Varioso de l'op. iio, qui sont cependant deux des points culminants de la musique. C'est ainsi que le public aime sensiblement moins que d'autres symphonies la septième, qui est pourtant la plus parfaitement belle. C'est ainsi qu'il préfère (sans oser l'avouer) l'insipide Pathétique aux extraordi- naires dernières Sonates, etc. etc.

Si Beethoven qui ne vieillit point " pour le grand public ", aurait vieilli pour les artistes, ce serait que :

De tous les éléments qui composent une œuvre d'art, le dernier à vieillir est la part de beauté purement artistique que contient cette œuvre, et non point son sentiment. Celui-ci, reflet toujours d'une époque, est irrémédiablement condamné, par l'évolution des hommes et des choses, à perdre peu à peu son action, tandis que la fantaisie inventive de l'artiste créateur possède une durabilité qui varie en raison directe de sa richesse.

Or, déclare M. Casella, Beethoven ne fut pas un très grand musicien. Certes, il n'est pas facile d'assigner des bornes à la musique; mais il est indiscutable que la beauté beethovenienne est d'ordre extra-musical. Avant Beethoven, les musiciens ne cherchaient qu'à écrire de la musique, aussi belle que possible, sans exiger d'elle autre chose que de la sonorité. Avec Beethoven, la pensée philosophique commence à s'introduire dans l'art des sons. De gros nuages noirs obscurcissent le ciel paisible et serein de Haydn et de Mozart. Et la douleur, qui devait prédominer dans toute la pensée humaine du XIX* siècle, remplace la douce et enfantine joie du siècle de Louis XV, Si Weber et Schubert, génies de moindre envergure que Beethoven, mais combien plus musiciens et artistes, continuent à se préoccuper davantage de musique que de philosophie, on ne les écoute pas...

Il fut un grand penseur, bien plus qu'un grand musicien, et dans notre époque qui réagit si violemment contre le romantisme disparu, nous écartons un sentiment mort pour nous, afin de n'admirer que

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