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324 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

note, perspicace, et qui le met bien à sa place européenne, de M. Brandès : " Pour remédier au caractère trop personnel de la critique littéraire, il a travaillé à lui procurer un fondement inébranlable grâce aux méthodes empruntées aux sciences natu- relles. C'est le contraire des tentatives des Allemands au temps des Schelling et des Hegel, qui eux avaient tenté d'appliquer les méthodes des sciences morales à l'étude de la nature."

Les deux meilleurs morceaux du volume sont l'étude sur Nietzsche et l'étude sur Ibsen. M. Brandès a été le premier à faire connaître Nietzsche au grand public, et son étude reste sinon une des plus profondes, du moins une des plus correctes et des plus claires qu'on lui ait consacrées. Il a beaucoup pratiqué et bien connu Ibsen, il en fait un portrait extrêmement vivant, plein de curieuses anecdotes sur ce puissant et singulier bon- homme. Le récit d'un banquet offert au dramaturge par quel- ques touristes lettrés est fort amusant. Il se termine ainsi :

" Un journaliste, qui était le voisin de table de la belle et excellente actrice Constance Brunn, se leva et dit : " Ma char- mante voisine me prie de transmettre à M. Ibsen les remercie- ments des actrices du Théâtre de Christiania, et de lui dire qu'il n'existe pas de rôles qu'elles aiment mieux jouer et desquels elles aient plus à apprendre que ceux de M. Ibsen. — Ibsen : A ce propos, je ferai cette observation que, d'une façon géné- rale, je n'écris pas de rôles, je décris des hommes, et jamais de la vie il ne m'est arrivé d'avoir un acteur ou une actrice en vue en élaborant une pièce. " Ce n'est que la moindre de ses boutades, mais il ne vous en faut pas davantage, n'est ce pas î pour vous rappeler ce que vous saviez déjà, qu'Ibsen ne fut jamais un dramaturge bien parisien.

A. T.

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