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Au moment où l’on vit la vieille domestique et son vivant fardeau, la pauvre malade parut rouge comme une cerise, les yeux pleins d’une ivresse angélique, belle, très belle, tant elle avait d’émotion et d’amour répandus sur tous les traits. Mme Irnois avait bien fait de prévenir le comte, car le premier mot d’Emmelina fut de s’écrier :

— Où est-il ? Où est-il ?

Et elle étendait ses deux bras, et elle se penchait en avant avec une passion indicible.

« Vrai Dieu ! se dit le comte Cabarot, elle est horrible cette malheureuse éclopée, et furieusement vive ! »

Et comme il avait bien réfléchi, ainsi qu’on l’a vu, et qu’il s’était cuirassé contre les dégoûts probables de l’aventure, il se précipita bravement au-devant de sa fiancée et voulut lui prendre les mains pour les baiser avec autant de feu qu’il en était capable.

Mais Emmelina ne le regarda seulement pas, et, retirant ses mains comme on fait à un importun, s’écria :

— Où est-il donc ?

— Mais devant toi, dit sa mère, voilà M. Cabarot avec qui tu veux t’en aller.

Emmelina se jeta en arrière dans les bras de Jeanne, en poussant un cri d’horreur et d’effroi.

— Je ne le connais pas, dit-elle en pleurant. Ce n’est pas lui, Jeanne, ce n’est pas lui !

Elle se mit à sangloter. Son père la prit dans ses bras, elle le repoussa. « Laissez-moi », dit-elle.

On la plaça dans son fauteuil, et elle continua à pleurer sans vouloir lever la tête ni regarder son fiancé, qui maintenait toujours avec soin sur ses lèvres son sourire courtois et soumis.