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cette pompe un peu théâtrale comme on l’entendait sous l’Empire. Une lampe brûle assez tristement sur un guéridon au milieu de l’appartement. La tante Julie tricote, la tante Catherine tricote, et Mme Irnois tricote aussi. Emmelina est auprès du feu dans son fauteuil, et, les yeux fixés sur les charbons, considère, probablement en y plaçant l’acte qui se joue lentement dans sa tête, le monde igné dont la flamme change à chaque instant les formes.

L’inquiétude est à son comble ; tout le monde parle à la fois. Jeanne a servi longtemps de messager entre les terreurs du salon et celles de la cuisine ; mais les émotions sont trop vives, la cuisine monte au salon, et à entendre parler roi, empereur, maréchal, baron, duc, prison et mort, on se croirait dans une réunion politique.

Enfin, un violent coup de sonnette se fait entendre. Le cri de oh ! très prolongé s’échappe de toutes les bouches ; la cuisinière court ouvrir. M. Irnois se précipite dans le salon, pâle, non, blême ! les yeux flamboyants, et jurant contre toutes les divinités de l’Olympe, à part le Styx qu’il ne peut nommer, ne le connaissant pas. Certes, depuis les jours où le bourgeois, le comte, le procureur, la dame philanthrope, ses anciens maîtres, lui donnèrent son congé, il n’avait pas été plus démonstratif dans sa colère et dans son dépit ; mais, aux emportements de son langage se mêlait un sentiment profond de frayeur qui n’échappa à aucun des témoins de cette scène émouvante.

Enfin, M. Irnois, ayant beaucoup juré, lança son chapeau à claque à la tête du secrétaire intime, s’assit brusquement devant le feu, et, ayant mis à la porte, par un dernier éclat de voix, tous les échappés de la cuisine, il