Page:NRF 12.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

RIMBAUD 219

Sans cesse le paysage ordinaire, celui où nous étions enfermés, comme miné par quelque immense flot sou- terrain, doucement s'efFrite, s'efFondre, passe à autre chose : " Puis, ô désespoir, la cloison devint vaguement Tombre des arbres, et je me suis abîmé sous la tristesse amoureuse de la nuit^". On s'aperçoit tout à coup que là où on allait mettre le pied, il y a quelque chose qui bouge et clapote, une transparence indéfinie :

Eh ! r humide carreau tend ses bouillons limpides ! Peau meuble d^or pâle et sans fond les couches prêtes. Les robes vertes et déteintes des fillettes font les saules^ d^ou sautent les oiseaux sans brides ^.

Tout endroit devient un lieu pour autre chose.

Boulevard sans mouvement ni commerce^ Muet^ tout drame et toute comédie^ Réunion des scènes infinies "*.

Se placer en un point, c'est au bout d'un moment ne plus y être, " puisqu'il a fait la maison ouverte à l'hiver écumeux et à la rumeur de l'été ^". Regarder un objet, c'est le voir s'ouvrir, se creuser, disparaître devant ce qu'il cachait : " La plaque du foyer noir, de réels soleils des grèves : ah ! puits des magies ; seule vue d'aurore cette fois ' ".

A vrai dire, nous ne sortons pas tout à fait ; nous

^ Les Déserts de l' Amour, Œuvres, p. 107.

^ Les Illuminations : Mémoire, p. 135.

  • Les Illuminations : Bruxelles, p. 149.
  • Les Illuminations : Génie, ■^. 169.
  • Les Illuminations : Veillées, p. 195.

�� �