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LA MARCHE TURQUE I93

nationalités ; mais rien qu'à les voir on comprend qu'ils ne viennent pas à Koniah pour des prunes.

L'hôtel est à côté de la gare et la gare est loin de la ville ; un petit train y mène à travers la plus morne ban- lieue... Mais avant de parler de Koniah, je dois dire à quel point je m'étais monté l'imagination sur cette ville. C'est aussi que je croyais encore (et j'ai du mal à ne pas croire) que plus on va loin plus le pays devient étrange. Il n'y a pas très longtemps que le chemin de fer permet d'aller presque aisément à Koniah. Avant de partir, j'avais vu la photographie d'admirables restes de monuments seldjou- cides que je devais trouver ici. D'après eux je construisais toute la ville, somptueuse et orientale à souhait. Je savais enfin que c'était la ville des derviches, quelque chose comme un Kairouan turc...

Et sitôt après le dîner, l'esprit affamé de merveilles et prêts à toutes les stupéfactions, G. et moi nous étions sortis dans la nuit ; nous ne savions pas que la ville était si distante et la solitude autour de l'hôtel nous surprit. Quelques lumières aux côtés d'une large avenue étaient celles de médiocres cafés et de quelques échopes sans caractère ; puis un espace béant plein de nuit. A quelques centaines de mètres pourtant une clarté beaucoup plus vive nous attira ; quelque casino, pensions-nous ; non ; c'étaient les lanternes-phares d'une auto — celle d'Enver- Bey, apprîmes-nous le lendemain, qui va de ville en ville s'assurer des forces dont dispose encore la Turquie. Mal- gré toutes les promesses qu'il put faire de ne reprendre point la guerre avant cinq ans, ce voyage ne nous dit rien qui vaille et nous entendons circuler, depuis que nous sommes en Anatolie, les bruits les plus inquiétants.

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