Page:NRF 11.djvu/97

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA JEUNESSE D IBSEN 9I

ce caractère des petites villes : " Ici, on est tran- quille — non par crainte de la police, car il n'y en a pas, — mais par crainte de faire parler de soi, tout le monde étant connu. Si l'on va dans la rue, il faut saluer à chaque fenêtre, où sans doute quelque vieille dame se tient assise, qui rend le salut. Il faut aussi saluer ceux que l'on rencontre, car tous ces gens paisibles pensent à ce qui est convenable en général, et à ce qui leur est dû en particulier. Quiconque dépasse la due mesure, selon son état ou sa position, perd son bon renom; car on ne connaît pas lui seulement, mais aussi son père et son grand-père, et l'on remonte jusqu'à celui, dans la famille, qui a manifesté des tendances malhonnêtes."^ Ceci n'est pas, sans doute, spécifiquement norvégien, mais il est peu de pays où l'action de cette surveillance mutuelle ait été aussi forte. A Grimstad, où, de plus, la prospérité matérielle confinait les esprits dans les préoccupations d'intérêt, on aurait considéré comme une inconvenance qu'un jeune homme dans la situation d'Ibsen se permît d'avoir une opinion, par exemple, sur un sujet politique.

Or Ibsen, — on a déjà vu ce trait observé par ses frères à Skien — avait la terreur du scandale. Il était, par là, disposé à se soumettre à toutes les exigences formelles de la petite ville. Mais ces exigences étaient vraiment excessives. Il était

^ Bjœrnstjerne Bjœrnson -.Fort^gllinger, t. II, p, 124.

�� �