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A LA RECHERCHE DU TEMPS PERDU 96 1

tantôt pour un fou. Pourtant sa mise extrêmement soignée était beaucoup plus grave et beaucoup plus simple que celles de tous les baigneurs que je voyais à Balbec, et rassurante pour mon veston si souvent humilié par la blancheur éclatante et banale de leurs costumes de plage. Mais ma grand'mère venait à ma rencontre, nous fîmes un tour ensemble et je l'attendais une heure après devant Thôtel où elle était allée chercher quelque chose, quand je vis sortir M°"® de Villeparisis avec Robert de Saint Loup et l'inconnu qui m'avait regardé si fixement devant le casino. Avec la rapidité d'un éclair son regard me traversa comme au moment où je l'avais aperçu et revint, comme s'il ne m'avait pas vu se ranger un peu bas devant ses yeux, émoussé, comme le regard neutre qui feint de ne rien voir au dehors et n'est capable de rien lire au dedans, le regard qui exprime seulement la satisfaction de sentir autour de soi les cils qu'il écarte de sa rondeur béate, le regard dévot et confît qu'ont certains hypocrites, le regard fat qu'ont certains sots. Je vis qu'il avait changéde costume. Celui qu'il portait était encore plus sombre ; et sans doute c'est que la véritable élégance intimide moins, est moins loin de la simplicité que la fausse ; mais ce n'était pas que cela : d'un peu prés on sentait que si la couleur était presque entièrement absente de ces vêtements ce n'était pas parce que celui qui l'en avait bannie y était indifférent, mais plutôt parce que pour une raison quelconque il se l'interdisait. Et la sobriété qu'ils laissaient paraître sem- blait de celles qui viennent de l'obéissance à un régime, plutôt que du manque de gourmandise. Dans le tissu du pantalon un filet de vert sombre s'harmonisait à la rayure des chaussettes avec un raffinement qui décelait la vivacité

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