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84 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

au dessus de nous formèrent des voûtes colossales, et tout autour de nous s'étendait une énorme ville de morts, avec toutes les marques effrayantes de la mort et de la corruption : un monde entier enseveli, écroulé sous la puissance de la mort, une splendeur fanée, flétrie, éteinte. Au dessus de tout cela, une faible lumière crépusculaire, lugubre comme celle que les murs d'église et une croix de tombe peinte en blanc projettent sur le cimetière, éclairait les squelettes blafards, qui, en troupes infinies, rem- plissaient l'espace sombre. A ce spectacle une terreur glaciale m'envahit au côté de l'ange : " tu vois ici que tout est vanité. " Alors courut un frémissement, comme des premières, faibles menaces d'un orage commençant, c'était comme des milliers de soupirs gémissants, et cela monta jusqu'à des hurlements de tempête, au point que les morts s'agitèrent et levèrent les bras vers moi... je m'éveillai en criant — tout humide de la rosée froide de la nuit.

  • ' Il m'a bien souvent semblé depuis que ce rêve

renfermait comme une prédiction, un présage de toute la vie ultérieure d'Ibsen comme poète et écrivain, que ce qui avait été ressenti dans le rêve de l'enfant était la note dominante qui résonnait dans son œuvre poétique. ^

^ Ibsen, interrogé par Halvorsen, lui écrivit à ce sujet : " Ce devoir norvégien causa pendant quelque temps une tension dans mes rapports avec mon excellent maître Stockfleth. Stockfleth s'était, en

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