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888 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

la dérive de ses instincts ; elle est toute semée de passionnants obstacles à surmonter, parfois même d'impérieuses résistances à briser : dans le domaine moral comme dans le domaine artis- tique, création est effort persévérant et continu.

M. Benda assimile mobilité et mollessCy alors que tout mouve- ment suppose une tension des muscles, si souples soient-ils, si aisée soit-clle. C'est vers une paresseuse immobilité que se réfugient les êtres passifs moralement, nonchalants physiquement. La " fixité " de l'âme n'implique pas plus sa force et sa constance que la mobilité n'implique l'instabilité de la conscience ; cette fixité est souvent signe de faiblesse. Une heureuse activité suppose un équilibre, mais la stabilité se concilie parfaitement avec le mouvement : il n'y a pas que l'immobilité des édifices qui soit stable. Est-il nécessaire de rappeler à M. Benda la signification de certains mots sur lesquels il se livre à des faux-sens singuliers? M. Bergson dit que nous nous créons nous-mêmes par un effort de volonté sans cesse renouvelé ; et

M. Benda traduit (p. 8i) : "Est-il besoin de dire si elle

exulte cette société qui, toujours toute femelle, ne sait que le changement de direction du sentir, repousse toute organisation de l'âme et se salue en Mélisande, si elle trépigne quand un philosophe vient lui dire que l'instabilité de la conscience en est la forme supérieure ? "

Tout au long de son petit livre, M. Benda semble poursuis par des préoccupations aussi étrangères à la philosophie ber^ nienne qu'aux sympathies suscitées par elle. L'auteur de l' Or/a nation affectionne les expressions de "frissons" et de "spasmes"! parlant des bergsoniens, il leur attribue les plaisirs les plus particuliers " de pâmoison, de communion pâmée, d'adhésion pâmée au plus secret de leur être ". Un passage de M. Le Roy lui suggère " l'extraordinaire bonheur de se humer soi-même " ; et son esprit s'exalte : Quelle joie ! Quel vertige, s'écrie-t-il ! Cet " envahissement sexuel ", comme il le nomme, ne hante du reste que sa seule imagination. Il est piquant de voir M. Benda

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