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762 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

OÙ celui-ci, s'étant arraché au trouble de la naissance, ayant retrouvé toutes ses raisons et s'étant rassemblé lui-même, atteint sa plus parfaite signification, son poids le plus décisif, le plus entraînant, sa personnalité la plus nourrie. Le sublime de Wagner est dans la plénitude de la dési- gnation. Son rythme est lent, parce qu'il ne peut rien dire sans lui avoir complètement préparé la place ; plus il s'at- tarde en effet, plus s'accroît l'évidence de ce qu'il manifeste. Il est l'inventeur d'une logique nouvelle, purement musi- cale, et dont les lois sont si profondes que sans doute les techniciens eux-mêmes ne sauraient les démêler. Il faut bien se garder de la confondre avec son système apparent et avoué et avec ses théories sur le leit-motiv ; appliquées à la lettre, ces théories n'eussent jamais donné qu'une musique abstraite et factice, celle-là même dont ses disci- ples ne nous ont offert que trop d'exemples. Mais chez Wagner elles n'étaient que d'imparfaites formules d'une science qu'il avait innée et qui conduisait secrètement son^ inspiration. Il n'est pas de langage plus irréfutable qu< le sien ; c'est l'équivalent musical d'un raisonnement bi( mené. Tout le passé réduit en forme, disposé en colonj pour envahir et combler aussi parfaitement que possil le présent ; un retour de tout ce que la mémoire contenai]! à l'état dispersé, dans un ordre si serré qu'il ne reste qu*a être vaincu. Wagner considère l'histoire qu'il raconte comme un arsenal ; au fond il ne cherche pas à la retra- cer ; mais il y puise ; et avec les matériaux qu'il y trouve, il reforme une sorte d'énorme cortège qui s'avance vers nous, nous salue, nous demande passage, nous occupe et nous submerge. En ce sens, bien que je lui préfère Tristan^ Parstfal est sans doute le chef-d'œuvre de Wagner,

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