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712 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

Mais il convient toujours de favoriser un plaisir, une émotion, qui ne diiFérent que par une plus grande richesse, une plus grande complexité du plaisir et de l'émotion que l'esthète trouve à Venise. Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas pour M. Barrés de la religion des autres, mais de sa propre religion telle qu'il la sent et la conçoit : " C'est pour moi-même que je me bats. " C'est pour lui-même qu'il se bat en France contre ceux qui ne veulent pas arrêter la destruction, comme c'est pour lui-même qu'il se bat à Venise contre ceux qui voudraient l'arrêter. Seulement voilà : dans le monde moral et même dans le monde matériel, les choses se conservent par le jeu des mêmes forces qui les ont créées ; la conservation, comme le dit Descartes, est une création continuée. Les églises, créées par la foi, ont été entretenues et maintenues par la foi. La sympathie pour la foi est-elle capable de tenir ici la place de la foi ?

M. Barrés exposant les raisons très justes pour lesquelles l'Etat a aujourd'hui le devoir d'aider largement les catholiques à entretenir des églises dont on a attribué la propriété aux communes, et défendant non moins justement le clergé contre une sortie de M. Briand, écrit que le devoir des prêtres est" de " courir d'abord aux âmes. Pour nous autres laïques, que ce souci n'absorbe pas, veillons à protéger des pierres qui intéressent la nation autant que la religion. " Mais, comme cela est rappelé dans l'hymne admirable de la consécration, cité au chapitre iv, les âmes impliquent les pierres, ou plutôt, ainsi que dirait un scolastique, les pierres sont contenues éminemment, non for- mellement, dans les âmes. Les pierres ne peuvent être protégées, entretenues, continuées, que par des âmes, par l'homme en "1 tant que chrétien. C'est par un côté artiste et artificiel de sa nature que le laïque, s'il n'est pas chrétien, s'intéressera à cette durée. Je crois même que M. Barrés se rend compte parfois de sa position un peu délicate entre le point de vue chrétien du fidèle pour qui l'église est la maibon de Dieu, et le point de vue humain de l'incroyant pour qui l'église n'a de valeur et

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