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650 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

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A Naples, Lafcadio descendit dans un hôtel voisin de la gare ; il eut soin de prendre sa malle avec lui, parce que sont suspects les voyageurs sans bagages et qu'il prenait garde à n'attirer point sur lui l'attention ; puis courut se procurer les quelques objets de toilette qui lui manquaient et un chapeau pour remplacer l'odieux canotier (et du reste étroit à son front) que lui avait laissé Fleurissoire. Il désirait également acheter un revolver, mais dut remettre au lendemain cette emplette ; déjà les magasins fermaient.

Le train qu'il voulait prendre le lendemain partait de bonne heure ; on arrivait à Rome pour déjeûner...

Son intention était de n'aborder Julius qu'après que les journaux auraient parlé du " crime ". Le crime ! Ce mot lui semblait plutôt bizarre ; et tout à fait impropre, s'adressant à lui, celui de criminel. Il préférait celui à^ aventurier^ mot aussi souple que son castor, et dont il pouvait relever les bords à son gré.

Les journaux du matin ne parlaient pas encore de V aventure. Il attendait impatiemment ceux du soir, pressé de revoir Julius et de sentir s'engager la partie ; comme l'enfant à cligne-musette, qui certes ne veut pas qu'on le trouve, mais qui veut du moins qu'on le cherche, en attendant il s'ennuyait. C'était un vague état qu'il ne connaissait pas encore ; et les gens qu'il coudoyait dans la rue lui paraissaient particulièrement médiocres, désagréa- bles et hideux.

Quand vint le soir, il acheta le Carrière à un crieur sur le Corso ; puis entra dans un restaurant, mais par une sorte de défi et comme pour aviver son désir, il se força

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