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NOTES 515

en muant celle-ci, de jeune veuve en jeune fille — une jeune fille qui a de l'expérience pour trois veuves, notez-le, bien — et en congédiant deux comparses (le vieil oncle et la vieille tante) qui en effet n'avaient que faire là ? Que, jugeant sa pre- mière pièce manquée, ou, à son gré insuffisante, il ait songé à la reprendre, à l'épurer, à la polir ou bien à la pousser à bout dans un développement plus complexe et plus ample, voilà qui est à son honneur. Pourquoi s'en défendrait-il ? Il ne fait que nous confirmer dans l'opinion que nous avions de sa probité artis- tique. Est-ce donc qu'il douterait, à part soi, de la supériorité du second " état " de son drame sur le premier ? En ce cas, pourquoi nous le soumet-il ? pourquoi l'expose-t-il à un désas- treux parallèle ?

Je serais pour moi, bien en peine de prononcer ici un choix. V Amour Brode est plus simple et plus vivant peut-être. Mais je conçois que l'auteur lui préfère la Danse devant le Miroir, Celle-ci a pour elle plus de hardiesse et plus de singularité. C'est un plus brillant exercice — et sans doute, en ceci, habille- t-elle mieux le sujet. Ah ce sujet ! le dramaturge aura beau le tourner et le retourner, l'aérer, le dépayser ou le déclasser, il aura beau modifier les antécédents de ses personnages, leur éducation et leur état civil, c'est expérience dans le vide, cons- truction dans l'espace, un jeu de l'esprit et un jeu d'esprit. En ce sens, il n'a pas eu tort de " déraciner " sa folle héroïne. — Comment Paul Bréan qui aime Régine, Régine qui aime Paul Bréan, par l'action de leur passion réciproque, feront figure d'ennemis ; comment ils se mentiront l'un à l'autre, s'humilie- ront l'un l'autre, pour s'éprouver, pour le plaisir ; comment ils s'illusionneront l'un sur l'autre et comment Bréan se tuera pour sauver une illusion... Voilà la question : comment ? — M. de Curel ne prend presque jamais son départ dans la vie, et cette fois moins que jamais. Il ne laisse pas en présence deux êtres impatients de vivre, dont il a pénétré dans une intuition toute la puissance intérieure. Il n'attend pas que

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