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480 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

part soi Lafcadio, et rabattant son castor sur ses yeux, il tâche à faire un rêve d'un souvenir de sa jeunesse :

Il se revoit, du temps qu'on l'appelait Cadio, dans ce château perdu des Karpathes qu'ils occupèrent sa mère et lui, deux étés, en compagnie de Baldi l'Italien et du prince Wladimir Bielkowski. Sa chambre est à l'extrémité d'un couloir ; c'est la première année qu'il couche loin de sa mère... La poignée de cuivre de sa porte, en forme de tête de lion, est retenue par un gros clou... Ah ! que les souvenirs de ses sensations sont précis !... Une nuit il est tiré du plus profond de son sommeil et croit rêver encore en voyant au chevet de son lit l'oncle Wladimir, qui lui paraît plus gigantesque encore que de coutume, fait comme un cauchemar, drapé dans un vaste cafetan couleur rouille, la moustache retombée et coiffé d'un extravagant bonnet de nuit dressé comme un bonnet persan, qui l'allonge jusqu'à n'en plus finir. Il tient à la main une lanterne sourde qu'il pose sur la table, près du lit, à côté de la montre de Cadio et repoussant un peu un sac de billes. La première pensée de Cadio c'est que sa; mère est morte, ou malade ; il va questionner BielkowskiJ quand celui-ci pose un doigt sur ses lèvres et lui fait signe de se lever. En hâte l'enfant passe la robe de chambre qu'il revêt au sortir du bain, que son oncle a prise au dos] d'une chaise et lui tend ; tout cela, les sourcils roulés et d'un air à ne point plaisanter. Mais Cadio a si grande confiance en Wladi qu'il n'a pas peur un seul instant ; ilj enfile ses pantoufles et le suit, fort intrigué par ses manière et, comme toujours, en appétit d'amusement.

Ils sortent sur le couloir ; Wladimir avance gravement,! mystérieusement, portant loin devant lui la lanterne ; on

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