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NOTES 333

deux colonnes d'Hercule : l'Ode à Michel de l'Hospital, de Ronsard, et les Mages des Contemplations. Entre ces deux colonnes ? je devrais dire dans ces deux colonnes. Quand avec ces deux prodiges verbaux, on aura nommé l'Eternité de la nature, brièveté de l'homme, de Lamartine, on sera au bout des chefs-d'œuvre. Ce poids n'est pas soulevé fréquemment dans le cours d'une langue. En provençal on n'y a touché que deux fois, et quel autre bras que celui de Mistral l'aurait osé ? Ce sont les deux odes des Iles d'Or, l' Hymne à la Race Latine et l'Eclaboussure, et cette dernière, avec son passage robuste de l'invective la plus rustique au lyrisme le plus sublime, l'un naissant naturellement de l'autre, avec la densité et l'éclat éblouissants de la langue, atteint la cime au delà de laquelle il n'y a absolument plus rien. L'honneur du Lausié d'Arle est d'avoir, au moins, une fois touché à l'arc du héros, de l'avoir tendu, et gagné la partie. Je sais maintenant par cœur les dernières strophes du livre, et quand je reprendrai, cet été, mon bâton du Ventoux, des Aupiho et du Tanneron, je suis bien sûr de les jeter souvent dans le soleil, comme des nageuses à la mer.


Ma bello Raço seriouso,
Qu'as coungreia, per m'abari,
Inchaiènto e misteriouso,
Un pople d'ome atravali,
L'obre es en flour, veici moun amo
Veici l'ouro que, de mi ramo,
L'oudour s'escampo dins lou cèu,
Dou Lausié creis la ligno duro
E renadivo, sus l'auturo :
Mounto la branco dis aucèu.

Qu'enchau li tèms di languitòri
E la sournuro de lou mau-cor ?
Au souffle viéu de la Vitòri,
Voulountous, ai dubert toun cor ;