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324 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

se rapprocher du provençal écrit, comme les italiens instruits ont peu à peu parlé toscan. — Je crois d'ailleurs que ce dernier point, très important en soi, a été laissé volontairement de côté, afin de ne pas creuser de fossé entre deux fractions, un peu rivales, du Félibrige : les provençalisants et les patoisants. Pour atteindre, dans une certaine mesure, ces trois buts, pour les poursuivre du moins avec quelques chances de succès, il n'y avait qu'un moyen, celui que dans toute l'Europe emploient les peuples qui veulent conserver un patrimoine spirituel héréditaire, foi ou langue : des écoles. Si le provençal est condamné à disparaître, c'est évidemment l'école primaire qui l'aura tué. Mais l'école aurait aussi bien été employée à le conserver. Jusqu'à présent du moins, il est permis en France à quiconque présente quelques garanties élémentaires de fonder une école. Quelle école a fondée le félibrige ? Les félibres sont unanimes à vanter une méthode, excellente paraît-il, due au frère Savinien pour faire servir le provençal à l'enseignement du français. Mais j'ai souvent entendu les petits Provençaux, élèves de la laïque ou des Frères, me dire qu'on les mettait au piquet quand ils parlaient " patois ", fût-ce en récréation. ^ Qu'a fait le félibrige pour appliquer, dans la mesure de ses moyens, la méthode du frère Savinien ? Rien. Mistral a fondé le Musée Arlaten de ses deniers, et, quand il reçut le prix Nobel, le maître en fit magnifiquement don à son œuvre, à la Provence. J'avoue que la visite de ces collections m'a médiocrement intéressé, non parce que je ne suis pas provençal — un musée bourguignon me laisserait probablement aussi froid — mais parce qu'un tel musée est un cimetière sans

^ Je parle de ce que j'ai pu voir. Le 1 6 janvier dernier, un député, M. Lefas, disait à la Chambre que " de nombreux instituteurs du midi ont revendiqué et obtenu le droit de parler la langue d'oc et le provençal à leurs élèves. " (Très bien ! très bien ! au centre et à droite.) Je n'ai aucun renseignement sur la question, et j'en recevrais très volontiers.

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