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NOTES 321

pur de la Comtesse ! Bah ! il n*est après tout pas besoin d'être tant et trop nombreux... "

L'éloge est parfaitement juste ; ce laurier d'Arles jaillit en pleine terre, cette poésie naît du cœur même de la langue, elle ne fait qu'éveiller et suivre les musiques qui y dormaient. Mais avant de mettre les vers de M. d'Arbaud à leur place dans le courant provençal, il faut se demander pourquoi ils apparaissent à Mistral comme une exception, pourquoi ce courant, qui coule aujourd'hui au pied du grand chêne de Maillanne, s'est amenuisé, raréfié, enlisé dans les feuilles chues du vieil arbre.

L'apothéose que connaît depuis tant d'années le chef illustre de l'âme méridionale, l'empereur du soleil, et dans laquelle, sans prendre figure de prophète, il circule avec ce robuste et souriant bon sens qui est comme le frère de lait du génie, cette apothéose de Frédéric Mistral ne peut nous faire grande illusion sur l'avenir difficile de sa langue : " Toute la Grèce et toute Rome, continue Mistral après les lignes que j'ai citées, ne sont jamais représentées que par les œuvres et les chefs-d'œuvre de poésie et d'art, où revivent la langue et le génie de la race, et tout le reste est effacé. " Ce n'est pas tout à fait exact. Aucune langue, ni le génie d'aucune race, ne sauraient être représentés durablement par les seules œuvres de la poésie et de l'art. Ils sont représentés par tout un ensemble de civilisation, de pensée, de littérature, par une somme d'humanité, que la poésie et l'art expriment en leur langage, couronnent de leur fleur, éclairent de leur flamme, mais ne sauraient remplacer. Une vraie culture nationale ne consiste pas plus en poésie seule qu'un bon repas ne consiste en grands vins. Pour que la langue et que le génie d'une race revivent dans un chef-d'œuvre de poésie il faut bien que cette langue, que ce génie, se soient manifestés ailleurs, qu'ils aient vécu avant de revivre. Autrement la poésie, demeure une merveille solitaire, fragile, sans action et qu'un jour personne n'entendra plus. C'est à la durée du droit romain qu'a participé Virgile. Je goûte dix fois plus de joie, je vis dix

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