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320 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

On m'excusera de soulever de si gros poids à propos d*un brin de laurier, d'un mince volume de vers. Mais le plaisir que m'a fait Lou Lausté (TArle, venant quelques mois après Lu Oulivado de Mistral, n'est pas seulement celui des beaux vers, c'est aussi celui de la réflexion qu'il permet et des questions qu'il soulève. Je ne suis en aucune façon méridional d'origine, bien que le Père Xavier de Fourvières m'ait déclaré que les Provençaux, depuis le roi Boson, pouvaient " revendiquer " légitimement la Bourgogne et les Bourguignons. A quoi je répondais que si la Provence a gardé les papes soixante-dix ans, c'est que les cardinaux — Pétrarque nous l'apprend — appré- ciaient surtout dans Avignon la grande voie d'eau qui leur amenait tout droit les vins de Beaune, de sorte que nous tenions, au bout de la Saône et du Rhône, Avignon et le pape, son moutardier et sa mule, comme un hanneton au bout d'un fil, pas moins... Quoiqu'il en sort des disputes historiques alors soutenues parmi les platanes de Vaucluse et les bouteilles de clairette, des hasards m'ont fait habiter quatre ans la Provence, et ce me fut un devoir et un plaisir de participer à la lumière de sa langue et au suc de sa poésie. Un orchestre poétique français ne saurait aujourd'hui, pour être total, pas plus se passer de Mistral que de Victor Hugo. Et c'est pourquoi le sort précaire de la poésie provençale, les difficultés presque insurmontables qu'elle trouve à s'épanouir, à jeter d'elle tout son rayonnement de musique, m'émeuvent comme un destin passionnant et tragique.

Lou Lausté d'Arle s'ouvre par une préface de Mistral où se trouvent ces lignes : " Oui, mon cher ami, ta poésie jeune et vivante, cela nous sort à peu près du provençal de for- tune — qui s'apprend dans les livres ! Et le souffle provençal qui gonfle de joie ces poèmes cueillis en Crau et à travers la Camargue, prouve une fois de plus que notre douce langue, pour être gracieuse et pure, doit être vécue et amoureusement vécue. Mais ils se font rares ceux qui peuvent sacrifier au culte

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