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LES CAVES DU VATICAN 263

Puis brusquement, certain jour de sauterie, elle avait choisi Fleurissoire ; Amédée ne venait-il pas de l'appeler Arnîca^ en accentuant la pénultième de son nom d'une manière qui lui parut italienne. (Inconsidérément du reste, et sans doute entraîné par le piano de Mademoiselle Semène qui rythmait l'atmosphère en ce moment) et ce nom d'Arnica, son propre nom, aussitôt lui était apparu riche d'une musique imprévue, capable lui aussi d'expri- mer poésie, amour... Ils étaient tous deux seuls dans un petit parloir à côté du salon, et si près l'un de l'autre que, lorsqu' Arnica défaillante laissa pencher sa tête lourde de reconnaissance, son front toucha l'épaule d' Amédée qui, très grave, prit alors la main d'Arnica et lui baisa le bout des doigts.

Quand, au retour, Amédée annonça son bonheur à son ami, Gaston, contre son habitude, ne dit rien et, quand ils passèrent devant une lanterne, il parut à Fleurissoire qu'il pleurait. Si grande que fût la naïveté d'Amédée, pouvait-il vraiment supposer que son ami partagerait jusqu'à ce dernier point son bonheur ? Tout déconte- nancé, tout penaud, il prit Blafaphas dans ses bras (la rue était déserte) et lui jura que, pour grand que fût son amour, son amitié l'emportait de beaucoup encore, qu'il n'entendait pas que, par son mariage, elle fût en rien diminuée et qu'enfin, plutôt que de sentir Blafaphas souffrant de quelque jalousie, il était prêt à lui promettre sur son honneur de ne jamais user de ses droits conju- gaux.

Ni Blafaphas, ni Fleurissoire n'était de tempérament bien fougueux ; pourtant Gaston, que sa virilité occupait un peu davantage, se tut et laissa promettre Amédée.

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