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PoiMES EN PROSE 217

à cette sensation nulle autre, pas même d'entendre le pas net et cadencé, qu'il obtenait parfait de toute une compagnie.

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��J'ai visité la chaumière d'Arsène. Crépie à la chaux, elle porte un stilobate de coaltar, comme une chambrée. Le lit est de fer comme à la caserne. Au-dessus, une glace entourée d'une guirlande de photographies, représentant des actrices d'il y a vingt ans : Lender montre son profil par-dessus son dos nu, Jane Hading a le regard rêveur, Cecy Loftus rit d'un rire gercé... Quant au reste, ce sont les meubles d'un paysan : armoire et lourde table de chêne luisant ; le bâton clouté pour les bœufs dans un coin. — J'oubliais une grande affiche coloriée du Cirque Amato, représentant le clown Boby tout blanc, les joues blessées de rouge, les yeux morts, les dents serrées dans un rictus sarcastique. — Chaque soir sur cette affiche Arsène dirige le réflecteur de sa lampe à pétrole. Dans son fauteuil de cretonne il se vautre, avec une élégance d'homme bien fait rompu par la fatigue. Il a pris auparavant dans son armoire une orange, et il l'écorce de ses doigts maigres sans la manger. — L'odeur de l'orange évoque pour lui le Plaisir. — Il revoit la Ville, sa lumière, son bruit, ses ivresses imprévues, sa distraction constante. Elle flamboie

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