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NOTES 155

Je crois que M. Abel Bonnard à cédé à ce qu*on pourrait appeler un faux sujet, parce que trop de complaisance est demandée au lecteur pour en accepter le point de départ et le <léveloppement. Pourquoi Laure et André ne se sont-ils pas mariés d'abord ? Ils étaient libres tous deux. Elle, n'eût pas mieux demandé certes, et lui, n'a, de s'y être refusé, que des raisons assez vagues. Si je ne me trompe, il ne se pose même cette question qu'au moment de la rupture. Pourquoi pas avant ? La nécessité de ce livre paraît bien fragile. Et il semble se dérouler à rebours.

Mais le plus grave reproche que j'adresserai à M. Abel Bon- nard, c'est de disserter continuellement, à propos de tout, et de s'interposer sans cesse entre ses personnages et nous. Même dans les moments les plus pathétiques, il intervient malencontreuse- ment, et interrompt les scènes où nous croyions enfin entendre parler ses héros comme de vraies créatures. Et il ne dédaigne point de moraliser. Si bien que nous en venons à souhaiter que quelque personnage se révolte à la fin contre l'auteur, et le renvoie du livre avec une belle impertinence.

Nous attendons le cri de la vie, l'expression directe et nue de l'amour, de la souffrance, et nous lisons de belles phrases faciles et un peu redondantes.

Quelle mauvaise littérature empoisonne le dénouement de ce roman, dénouement qui se prolonge inutilement pendant deux ou trois chapitres, sur les thèmes du plus absurde roman- tisme ! Il n'est point d'homme de goût qui ne sente la fausseté de ces pages envahies par la rhétorique.

Mais devons-nous jamais attendre de la sincérité de M. Abel Bonnard ? Il lui faudrait se défaire de tant d'affectation et de tant de facilité !

G. S.

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