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148 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

scènes, le plus souvent courtes, où le dialogue est à peine sur- chargé de plus de "jeux de scène" que n'en comporterait une pièce d'intentions un peu subtiles. C'est-à-dire qu'à la notation des gestes et des intonations se mêlent quelques analyses de pensées, telles que Bernard Shaw en illustre avec tant d'éclat les marges de ses comédies. Parfois, parmi ces scènes dialoguées, une lettre, un discours, un fragment d'article ; mais c'est tou- jours le même procédé d'exposition, le même jalonnement de points lumineux. Je comparerais volontiers ces intermittences de clarté aux jets d'un de ces puissants réflecteurs au moyen des- quels un navire de guerre surveille les mouvements d'une flotte ennemie : un coup qui balaie les ténèbres, relève la position de l'adversaire, s'éteint pour ne pas attirer inutilement l'atten- tion, puis lance un nouveau rayon qui tombe juste, constate une nouvelle position et s'éteint de nouveau. — Le récit, disais-je donc, prend Jean Barois à l'âge de douze ans. C'est le fils d'un médecin de Paris, malingre enfant, élevé dans une petite ville de l'Oise, par sa grand'mère. Il est en convalescence d'une congestion pulmonaire survenue à la suite d'un pèlerinage à Lourdes. Son père qui a pu, pour venir jusqu'à lui, arracher à ses occupations quelques heures, l'emmène dans le jardin, lui parle comme à un homme. Il guérira, oui, mais seulement s'il le veut passionnément, s'il s'applique avec une ténacité enragée à remonter le courant, à repousser le mal. L'enfant électrisé, frémissant, se redresse. C'est le premier appel fait à sa volonté, sa première expérience morale. C'est ce jour-là que sa vie commence.

On le voit, si M. Martin du Gard se rapproche des roman- ciers anglais par sa préoccupation de ne pas borner son livre au seul récit d'une crise ou d'une aventure, mais de nous montrer une vie d'homme des racines au faîte, il se distingue de la plu- part d'entre eux par le souci de ne retenir que l'essentiel, d'éli- miner toutes les préparations inutiles et les transitions super- flues. Quelques courtes scènes suffisent à montrer le lycéen stu-

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