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130 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'Agamemnon ne serait, tout au plus, que le capi- taine de ses gardes. Il n'y saurait même pas prétendre : Hamlet n'a que faire de hallebardiers. Il est contraint d'agir, non par l'événement, mais par la conscience qu'il en a prise. Il y est conduit et plié par l'amour même : la loi ni la coutume n'y sont pour rien. Hamlet aimait et vénérait son père : Oreste n'a pas connu le sien. Toute sa complexion pensante, tout le sens intime qu'il a de la vie et du monde l'empêchent de passer à l'acte, l'entravent dans sa marche, lui retiennent le bras et lui lient les mains. Mais une volonté plus puis- sante le courbe et le domine : celle qui naît de la conscience contre la nature. Il ne prie pas ; on ne le surprend pas à genoux, dans le coin d'une église. Ha, ce n'est pas de croire à l'âme immor- telle, à l'enfer et au péché qu'Hamlet est chrétien : c'est qu'il a conscience.

Et tel est l'abîme entre notre univers et le petit monde antique. Qui réconciliera la nature avec notre conscience ?

Voilà donc celui qu'une fatalité double, celle des événements et celle de la pensée, précipite dans l'action. Quel supplice de comparer le tumulte de la vie à la méditation de la mort.

Hamlet n'est chrétien qu'à demi : car il n'a pas à demi le sentiment de la vanité universelle.

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