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Il6 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

par rëloquence : mais ce que le romantisme, sur toute sa. ligne, et depuis Rousseau et Chateaubriand, se donne pour ennemi, c'est la vieille racine aryenne, le sm fonda- mental de durée, de stabilité, d'être, qu'il y a, comme une coulée métallique, dans la plénitude de ce mot : l'Etat. On sait que de ce point de vue, partiel et partial, mais vrai dans son principe l'école de M. Maurras voit, pour le juger, le romantisme ; elle identifie ainsi romantisme et révolution, le romantisme débordant, conquérant,, fondateur, restant le romantisme, comme l'Empire aux cent trente départements reste la Révolution. Or cet anta- gonisme du romantisme et de l'Etat, de la durée vivante d'une part et de la stabilité par l'institution d'autre part,^ il n'apparaît en nul endroit plus pur et plus clair que dans cette épopée romanesque en trois chants, ailée de poésie, dont parle Alfred de Vigny. La noblesse, ou le- pouvoir du sang, le soldat ou le pouvoir de l'épée, le poète- ou le pouvoir du génie, dès qu'ils ne sont pas encadrés,, maintenus par une contrainte extérieure dont l'habitude fait peu à peu une contrainte intérieure, un honneur,, débordent, troublent, usurpent, tyrannisent. Du même fonds que Chateaubriand, Vigny a dénoncé et détesté la monarchie administrative qui discipline la noblesse, l'Etat moderne qui ne laisse au soldat que le devoir d'obéir passivement, qui ne fait pas au génie poétique la place privilégiée dans|k société. L'Etat, sous ces trois formes, l'exigence de stabilité sociale contre laquelle sont con- struits les trois romans, c'est pour Vigny et pour le roman- tisme une nature inhumaine, dans la bouche de laquelle prendrait place exactement la magnifique prosopopée de la Manon du Berger :

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