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CHRONIQUE DE CAERDAL IOI7

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Port mal famé, entre le maquis et les marais ; une terre plate et basse ; des dunes battues du sirocco, l'été, et du libeccio en d'autres temps : le vent porte le sable dans les rues qui sentent l'évier, et promène dans les chambres la puanteur des mares. Un trou de ville à maisons grises, barbouil- lées de jaune ; et les façades ont toutes les couleurs du bran. Un nid à moustiques, une garenne à rats, où sévit la fièvre ; où le choléra, il y a quatre vingts ans, avait trouvé une de ses plus riches réserves à gibier d'eau. Un peuple jaune et vert, comme le caca d'oie ; une canaille morne ; de sales petits bourgeois, gens de boutique, avec leurs femelles mal lavées, courtes et pataudes. Le port même a l'air malade : couché dans la torpeur d'un sommeil malsain, il croupit entre une petite île et deux tours fortifiées à la Vauban, lourdes et sottes au soleil comme la double oraison funèbre d'un concierge, sans grandeur étant sans emploi ni raison : deux tours de geôle plutôt que de citadelle. Ce port n'est pas une place de guerre, mais une prison.

Sortir de chez soi } Que ferait Stendhal dans la rue ? Pour rencontrer quelques prêtres à l'œil faux et trois femmes puantes, ce n'est pas la peine de quitter la chambre. Aux portes de la ville, le limon

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