Page:NRF 11.djvu/1005

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHRONIQUE DE CAERDAL 999

A Paris ou en Attique, l'esprit qui ne suffit à rien, ajoute une grâce suprême à tout. L'esprit est une aile. 11 y a des peuples qui prennent leur lourdeur pour une vertu. Peuples obèses. Ils n'ont pas assez de gravité, s'ils n'ont le ventre dans les genoux. Il faut qu'ils sentent leur panse sur l'eau, pour être sûrs qu'ils flottent. Mais flotter n'est pas voler.

La grâce divine est souvent aussi légère qu'elle peut être dévorante. Elle est comme le feu qui toujours vole, toujours s'élance. La flamme, cette parole du soleil sur la terre, ce verbe brûlant que j'adore, est du souflle qui a pris corps ; et comme il va, il ard. Toujours la flamme est en forme d'aile et d'alouette qui s'élève, de flèche qui file droit vers le ciel, de feuille et de victoire que son bond lance sur la route du zénith, où le père Soleil l'appelle.

Le génie ne saurait être pesant ni bête, en France non plus qu'en lonie. Je sais des épithètes dans Eschyle, où le sublime le dispute à l'éblouis- sante clarté de l'esprit. Cette grâce est infinie, quand elle porte la douleur. La peine de Promé- thée a les rayons d'un triomphe. Que dire de l'ironie dans Sophocle et dans Platon ? Pour un Grec, n'avoir pas d'esprit, c'est ne pas avoir de cervelle. La vertu qui fait penser et comprendre ne se sépare pas du plaisir qu'on met à être compris.

�� �