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D’UNE PARISIENNE

Avec une tendresse fraternelle l’abbé Valadier embrasse le condamné. Il le serre dans ses bras l’espace d’une seconde. Le visage transfiguré, on dirait qu’il veut communiquer au moribond la confiance dans les joies de l’au-delà, qu’en suprême consolateur il lui a promises.

Rigide, hideux, le corps s’est étendu tout droit sur la bascule sinistre, et, dernière manœuvre, un des aides saisit Carara par les oreilles, pour entraîner la tête dans la lunette. Une minute s’écoule.

Les dents se serrent, les oreilles sifflent, les cheveux se hérissent, le cœur se contracte, on a froid dans les os.

Est-ce enfin fini ?…

Tel un rapide éclair, le couperet trace un sillon lumineux et s’abat.

On ne voit rien, mais on entend deux bruits sourds : celui de la guillotine qui se déclenche, et le son mat de la tête, qui au fond de la boîte de fer fait « floc », cependant qu’un jet de sang vermeil jaillit et que le corps, secoué d’un soubresaut, s’abat pantelant dans le panier.