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D’UNE PARISIENNE

l’orgue égrène la vieille musique des noëls, qui font songer à une époque disparue.

À Saint-Médard la messe de minuit finit quand, vers deux heures du matin, j’arrive devant cette antique collégiale de l’an mille, qui a résisté à la pioche des démolisseurs qui ont écourté, des deux côtés, la vieille rue Mouffetard, ce cœur du faubourg Saint-Marceau.

La foule des ouvriers et des ouvrières quitte l’église et se disperse dans le quartier. Les uns rentrent chez les rôtisseurs, dont les grandes cheminées flambent, les autres chez les mastroquets, où se débitent les cafés à deux sous. Ici, tout est bruyant, bon enfant ; on est allégé de la morne tristesse des autres quartiers plus pauvres encore. Il souffle comme un vent de gaieté qu’on ne sent pas ailleurs.

Une vision triste, au milieu de ce bruit, de cette liesse. Un grand gaillard, un homme d’une quarantaine d’années, un colosse, un ouvrier pauvrement vêtu, conduit trois fillettes habillées de noir et dont l’aînée doit avoir dix ans, la seconde huit, l’autre cinq.