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D’UNE PARISIENNE

— Pauvre Hortense, me dit en branlant sa tête blanche la vieille actrice, comme elle était belle et bonne comédienne ! Elle possédait un je ne sais quoi qui vous remuait lorsqu’elle chantait de sa voix prenante et chaude.

« La Belle Hélène fut son grand succès ; tenez, moi qui vous parle, je l’ai vue peut-être vingt fois dans ce rôle sans jamais me lasser.

« Elle n’était pas jolie, jolie, cependant ; à la rue, sa tête n’accrochait point le regard, mais à peine arrivait-elle sur les planches que sa physionomie s’illuminait, ses yeux gris lançaient des flammes, sa bouche ensorceleuse avait dans les commissures des coquetteries charmantes. Elle se donnait au public, chantait avec des caresses dans la voix ; lorsqu’elle détaillait un couplet, on aurait dit qu’elle envoyait des baisers.

« Ah ! c’était la Belle Hélène rêvée ; le soir de la première la salle fut comme secouée d’un grand frisson. Schneider était si femme, si voluptueuse, sa voix avait par instants une telle mollesse, ses gestes dégageaient des langueurs si pâmées succédant à un jeu fiévreux, à une diction