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Je sortis. — Je restai trois jours sous les platanes
Où je vous avais vue, ayant pour tout espoir,
Quand vous y passeriez, d’attendre et de vous voir.
Tout le reste est connu de vous.
Tout le reste est connu de vous.— Bonté divine !
Dit l’enfant, est-ce là tout ce qui vous chagrine ?
Quoi ! de n’être pas noble ? Est-ce que vous croyez
Que je vous aimerais plus quand vous le seriez ?
— Silence ! dit Dalti, vous n’êtes que la femme
Du pêcheur Zoppieri ; non, sur ma foi, madame,
Rien de plus,
Rien de plus,— Eh ! quoi, rien, mon amour ?
Rien de plus,— Eh ! quoi, rien, mon amour ?— Rien de plus,
Vous dis-je ; ils sont partis comme ils étaient venus,
Ces biens. Ce fut hier la dernière journée
Où j’ai (pour vous du moins) tenté la destinée.
J’ai perdu ; voyez donc ce que vous décidez.
— Vous avez tout perdu ?
Vous avez tout perdu ?— Tout, sur trois coups de dés ;
Tout, jusqu’à mon palais, cette barque exceptée,
Que j’ai depuis longtemps en secret rachetée.
Maudissez-moi, Portia ; mais je ne ferai pas,
Sur mon âme, un effort pour retenir vos pas.
Pourquoi je vous ai prise, et sans remords menée
Au point de partager ainsi ma destinée,
Ne le demandez pas. Je l’ai fait ; c’est assez.
Vous pouvez me quitter et partir ; choisissez. »

Portia, dès le berceau, d’amour environnée,
Avait vécu comtesse ainsi qu’elle était née,
Jeune, passant sa vie au milieu des plaisirs,
Elle avait de bonne heure épuisé les désirs,