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Sur quoi le jouvenceau courut en un moment,
D’abord à son habit, ensuite à son épée ;
Puis, voyant sa beauté de pleurs toute trempée :
« Allons, mon adorée, un baiser, et bonsoir !
— Déjà partir, méchant ! — Bah ! je viendrai vous voir
Demain, midi sonnant ; adieu, mon amoureuse !
— Don Paez ! don Paez ! Certe, elle est bien heureuse,
La galante pour qui vous me laissez sitôt !
— Mauvaise ! vous savez qu’on m’attend au château.
Ma galante, ce soir, mort-Dieu ! c’est ma guérite.
— Eh ! pourquoi donc alors l’aller trouver si vite ?
Par quel serment d’enfer êtes-vous donc lié ?
— Il le faut. Laisse-moi baiser ton petit pied !
— Mais regardez un peu, qu’un lit de bois de rose,
Des fleurs, une maîtresse, une alcôve bien close,
Tout cela ne vaut pas, pour un fin cavalier,
Une vieille guérite au coin d’un vieux pilier !
— La belle épaule blanche, ô ma petite fée !
Voyons, un beau baiser ! — Comme je suis coiffée !
Vous êtes un vilain. — La paix ! Adieu, mon cœur ;
La, la, ne faites pas ce petit air boudeur.
Demain c’est jour de fête ; un jour de promenade,
Veux-tu ? — Non, ma jument anglaise est trop malade.
— Adieu donc ; que le diable emporte ta jument !
— Don Paez ! mon amour, reste encore un moment.
— Ma charmante, allez-vous me faire une querelle ?
Ah ! je m’en vais si bien vous décoiffer, ma belle,
Qu’à vous peigner demain vous passerez un jour !
— Allez-vous-en, vilain ! — Adieu, mon seul amour ! »

Il jeta son manteau sur sa moustache blonde,
Et sortit ; l’air était doux, et la nuit profonde ;
Il détourna la rue à grands pas, et le bruit