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Aux bas, le quatrième étage, et les vieux sous.
On dit qu’elle a des gens qui se noient pour elle.
— Moi, je la noie.
Il boit.

L’abbé.

— Moi, je la noie.Et quand vous eûtes cette belle
Camargo, vous l’aimiez fort ?

Rafael.

Camargo, vous l’aimiez fort ?Oh ! très-fort ! — et puis,
À vous dire le vrai, je m’y suis très-bien pris.
Contre un doublon d’argent un cœur de fer s’émousse.
Ce fut, le premier mois, l’amitié la plus douce
Qui se puisse inventer. Je m’en allais la voir,
Comme ça, tout au saut du lit, — ou bien le soir
Après le spectacle. — Oh ! c’était une folie
Dans ce temps-là ! — Pauvre ange ! — Elle était bien jolie !
Si bien qu’après un mois je cessai d’y venir.
Elle de remuer terre et ciel, — moi de fuir. —
Pourtant je fus trouvé — reproches, pleurs, injure,
Le reste à l’avenant. — On me nomma parjure,
C’est le moins. — Je rompis tout net. — Bon. — Cependant
Nous nous allions fuyant et l’un l’autre oubliant. —
Un beau soir, je ne sais comment se fit l’affaire,
La lune se levait cette nuit-là si claire,
Le vent était si doux, l’air de Rome est si pur ! —
C’était un petit bois qui côtoyait un mur,
Un petit sentier vert, — je le pris, — et, Jean comme
Devant, je m’en allai l’éveiller dans son somme.

L’abbé.

Et vous l’avez reprise ?

Rafael, cassant son verre.

Et vous l’avez reprise ?Aussi vrai que voilà
Un verre de cassé. — Mon amour s’en alla