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Sur les tapis de soie un vieux juif étalait
Ces beaux poissons dorés, pris d’un coup de filet.
La foule trépignait, les cages étaient pleines,
Et la chair marchandée au soleil se tordait.


XI


Par un double hasard Hassan vint à paraître.
Namouna se leva, s’en fut trouver le vieux :
« Je suis blonde, dit-elle, et je pourrais peut-être
Me vendre un peu plus cher avec de faux cheveux.
Mais je ne voudrais pas qu’on pût me reconnaître.
Peignez-moi les sourcils, le visage et les yeux. »


XII


Alors, comme autrefois Constance pour Camille,
Elle prit son poignard et coupa ses habits.
« Vendez-moi maintenant, dit-elle, et, pour le prix,
Nous n’en parlerons pas. » Ainsi la pauvre fille
Vint reprendre sa chaîne aux barreaux d’une grille,
Et rapporter son cœur aux yeux qui l’avaient pris.


XIII


Et, si la vérité ne m’était pas sacrée,
Je vous dirais qu’Hassan racheta Namouna ;
Qu’au lit de son amant le juif la ramena ;
Qu’on reconnut trop tard cette tête adorée ;
Et cette douce nuit qu’elle avait espérée,
Que pour prix de ses maux le ciel la lui donna.