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Partout l’hydre éternel qui te montrait les dents,
Et, poursuivant toujours ta vie aventureuse,
Regardant sous tes pieds cette mer orageuse,
Tu te disais tout bas : « Ma perle est là dedans. »


LIII


Tu mourus plein d’espoir dans ta route infinie,
Et te souciant peu de laisser ici-bas
Des larmes et du sang aux traces de tes pas.
Plus vaste que le ciel et plus grand que la vie,
Tu perdis ta beauté, ta gloire et ton génie,
Pour un être impossible, et qui n’existait pas.


LIV


Et le jour que parut le convive de pierre,
Tu vins à sa rencontre, et lui tendis la main ;
Tu tombas foudroyé sur ton dernier festin :
Symbole merveilleux de l’homme sur la terre,
Cherchant de ta main gauche à soulever ton verre,
Abandonnant ta droite à celle du Destin !


LV


Maintenant, c’est à toi, lecteur, de reconnaître
Dans quel gouffre sans fond peut descendre ici-bas
Le rêveur insensé qui voudrait d’un tel maître.
Je ne dirai qu’un mot, et tu le comprendras :
Ce que don Juan aimait, Hassan l’aimait peut-être ;
Ce que don Juan cherchait, Hassan n’y croyait pas.