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XLII


Elles t’aimaient pourtant, ces filles insensées
Que sur ton cœur de fer tu pressas tour à tour :
Le vent qui t’emportait les avait traversées ;
Elles t’aimaient, don Juan, ces pauvres délaissées
Qui couvraient de baisers l’ombre de ton amour,
Qui te donnaient leur vie, et qui n’avaient qu’un jour !


XLIII


Mais toi, spectre énervé, toi, que faisais-tu d’elles ?
Ah ! massacre et malheur ! tu les aimais aussi !
Toi ! croyant toujours voir sur tes amours nouvelles
Se lever le soleil de tes nuits éternelles,
Te disant chaque soir : « Peut-être le voici »
Et l’attendant toujours, et vieillissant ainsi !


XLIV


Demandant aux forêts, à la mer, à la plaine,
Aux brises du matin, à toute heure, à tout lieu,
La femme de ton âme et de ton premier vœu !
Prenant pour fiancée un rêve, une ombre vaine,
Et fouillant dans le cœur d’une hécatombe humaine,
Prêtre désespéré, pour y chercher ton Dieu.


XLV


Et que voulais-tu donc ? — Voilà ce que le monde
Au bout de trois cents ans demande encor tout bas,