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XIV


Deux sortes de roués existent sur la terre :
L’un beau comme Satan, froid comme la vipère,
Hautain, audacieux, plein d’imitation,
Ne laissant palpiter sur son cœur solitaire
Que l’écorce d’un homme, et de la passion
Faisant un manteau d’or à son ambition ;

XV


Corrompant sans plaisir, amoureux de lui-même,
Et, pour s’aimer toujours, voulant toujours qu’on l’aime ;
Regardant au soleil son ombre se mouvoir ;
Dès qu’une source est pure et que l’on peut s’y voir,
Venant comme Narcisse y pencher son front blême,
Et chercher la douleur pour s’en faire un miroir.

XVI


Son idéal, c’est lui. — Quoi qu’il dise ou qu’il fasse,
Il se regarde vivre, et s’écoute parler.
Car il faut que demain on dise, quand il passe :
« Cet homme que voilà, c’est Robert Lovelace. »
Autour de ce mot-là le monde peut rouler ;
Il est l’axe du monde, et lui permet d’aller.

XVII


Avec lui ni procès, ni crainte, ni scandale.
Il jette un drap mouillé sur son père qui râle ;