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Et, quand viennent les pieds, la tête au plus souvent
Est déjà lasse, et tourne où la pousse le vent !
Tenez, soyons amis, et plus de jalousie.
Mariez-vous. — Qui sait ? s’il nous vient fantaisie
De nous reprendre, eh bien, nous nous reprendrons : — hein ?

Camargo.

Très-bien.

Rafael.

Très-bien.Par saint Joseph ! je vous donne la main
Pour aller à l’église et monter en carrosse !
Vive l’hymen ! — Ceci, c’est mon présent de noce, —

Il l’embrasse.

Et j’y joindrai ceci pour souvenir de moi.

Camargo.

Quoi ! votre éventail !

Rafael.

Quoi ! votre éventail !Oui. N’est-il pas beau, ma foi ?
Il est large à peu près comme un quartier de lune, —
Cousu d’or comme un paon, — frais et joyeux comme une
Aile de papillon, — incertain et changeant
Comme une femme. — Il a des paillettes d’argent
Comme Arlequin. — Gardez-le, il vous fera peut-être
Penser à moi ; c’est tout le portrait de son maître.

Camargo.

Le portrait en effet ! — Ô malédiction !
Misère ! — Oh ! par le ciel, honte et dérision !…
Homme stupide, as-tu pu te prendre à ce piège
Que je t’avais tendu ? — Dis ! Qui suis-je ? — Que fais-je ? —
Va, tu parles avec un front mal essuyé
De nos baisers d’hier. — Oh ! c’est honte et pitié !
Va, tu n’es qu’une brute, et tu n’as qu’une joie
Insensée, en pensant que je lâche ma proie !
Quand je devrais aller, nu-pieds, t’attendre au coin